Édouard VII bien remis en selle,Ce fauteuil des voluptés, qui provient de l'une des plus célèbres maisons closes de Paris, sera exposé au Petit Palais en avril


Ce fauteuil a été commandé par le roi Édouard VII lui-même pour équiper la chambre qui lui était réservée en permanence au Chabanais.
Ce fauteuil des voluptés, qui provient de l'une des plus célèbres maisons closes de Paris, sera exposé au Petit Palais en avril.
La première visite officielle du nouveau maire de Paris pourrait avoir lieu au Petit Palais. Sa présence serait lo­gique, le 2 avril, pour inaugurer dans ce musée la fastueuse exposition sur la capitale dans les années 1900, quand la ville brillait de mille feux. Parmi les six cents œuvres caractéristiques de cette Belle Époque, nul doute que l'élue s'arrêtera devant un meuble étrange, dont l'usage s'est perdu. Se fera-t-elle photographier devant?
On ne le lui conseille guère. Un socle de bois doré bien rembourré, surmonté d'une selle pareillement confortable, six accoudoirs, quatre pieds et un tissu japonisant. Qu'est-ce donc que ce schmilblick? Les plus perspicaces trouveront quelque ressemblance avec un siège gynécolo­gique ou une chaise d'accouchement. La fonction se révèle en réalité autrement plus sensuelle.
«Il s'agit d'un “fauteuil de volupté”», glisse Dominique Lobstein, historien d'art et co-commissaire de l'exposition. Lorsqu'on y regarde de près, on n'ose inventorier les combinaisons, genre Kamasutra, qu'il offre. «Il a appartenu à Édouard VII, prince de Galles et fils de la reine Victoria, poursuit le spécialiste. C'était un habitué du Chabanais jusqu'à ce qu'il soit couronné souverain du Royaume-Uni et empereur des Indes en 1901, à 60 ans.»

Pour de pacifiques joutes

Le Chabanais? «Une maison close installée au 12 de la rue du même nom, dans le IIe arrondissement, et fondée en 1878 par une Irlandaise. C'était un des lieux galants les plus huppés du Paris fin de siècle. Une chambre était réservée en permanence au prince. Il l'a fait doter de deux accessoires originaux adaptés à sa taille et surtout à son poids: une baignoire de cuivre rouge en forme de cygne à la proue de sirène qu'on remplissait de champagne avant usage, et ce meuble. Conçu et réalisé par Louis Soubrier, artisan du faubourg Saint-Antoine, il pouvait réunir pour de pacifiques joutes le royal héritier et deux ou trois employées de la maison sans qu'il ne déroge à son rang… puisqu'il s'installait sur la partie supérieure.»
Édouard était surnommé «Bertie» par ses favorites, choisies parmi vingt à trente-cinq pensionnaires. Certaines avaient connu intimement Pierre Louÿs, Guy de Maupassant, Charles Ier du Portugal, le prince des Indes britanniques ou encore quantité de membres du Jockey Club. Le Chabanais a connu son heure de gloire le 6 mai 1889. L'inauguration de l'Exposition universelle s'était poursuivie entre ses tentures. Ministres et ambassadeurs du monde entier s'y étaient donné rendez-vous. Sur leurs agendas, cette «virée» était renseignée comme une «visite au président du Sénat». Le scooter n'existait pas encore…
Ce plus célèbre des lupanars, devant le One-two-two, le Sphinx, La Fleur blanche, La Rue des Moulins et Chez Marguerite, a reçu un prix pour sa chambre japonaise lors de l'Exposition universelle de 1900. On y trouvait aussi la chambre Louis XV, la chambre hindoue, la Directoire, la médiévale et la chambre mauresque. L'ensemble des décors fut vendu après la ferme­ture, en 1946, à l'occasion d'une vente aux enchères en 1951. L'actuel propriétaire du «fauteuil de volupté» tient à conserver l'anonymat.
«Paris 1900, la ville spectacle», Petit Palais, Paris VIIIe, du 2 avril au 17 août.


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